we were just kids in love

26 MOIS AUPARAVANT.

C'était leur habitude, de se retrouver à mi-chemin entre le quartier des riches et la Veine. Un rituel qu'ils avaient établi, qui semblait être un juste milieu, à l'image de leur relation. De temps en temps, c'était chez Charlie qu'ils se retrouvaient, lorsque ses parents n'étaient pas là. Jamais chez Louie. Parce que c'était trop dangereux, parce que son père et son oncle n'étaient pas des personnes biens. Mais parfois, ils allaient à la Veine. Elle l'accompagnait, il lui faisait découvrir, et ça ne la dérangeait pas d'être ici. Parce qu'elle était avec lui, Louie. Mais la plupart du temps, ils se retrouvaient près des lotissements, et passaient leur journée à flâner. Charlie, elle était toujours heureuse lorsqu'elle savait qu'elle allait voir Louie. Elle avait ce sourire qui ne quittait pas son visage, elle était radieuse. Mais ce jour avait un goût amer dans la bouche de Charlie. Elle ne pouvait s'empêcher de penser au fait que dans une semaine aurait lieu le tirage au sort. Désormais, ils craignaient tous le premier lundi du mois. C'était le jour où on envoyait des jeunes dans le Labyrinthe. Il ne s'agissait que de la deuxième moisson, mais c'était déjà devenu comme une habitude. « Dans une semaine... » Elle leva les yeux vers lui. Ils étaient assis, à l'écart de tout, à l'écart du monde. Elle avait peur, vraiment, et ça se lisait dans son regard. Charlie, elle ne voulait pas gâcher tout en parlant de la moisson, mais c'était plus fort qu'elle. Cette crainte, elle l'avait depuis presque un mois désormais, mais plus les jours filaient, plus elle empirait. Le seul qui arrivait à la calmer, c'était Louie. « J'ai pas envie qu'on soit séparés. » Comme si ça dépendait de sa volonté. Elle était naïve Charlie. Elle pensait parfois qu'en espérant assez fort, les choses se passeraient comme elle le souhaitait. Elle avait la foi, mais ça n'était pas suffisant aujourd'hui.

the summer was full of mistakes
we wouldn't learn from
✻✻✻

Les gens marchent, ils passent devant vous comme on passe devant un chien. Vous n'êtes rien, au fond, juste deux gamins qui s'aiment un peu trop fort. Et peut-être que Charlie est quelque chose, surement même qu'elle est quelqu'un de respecté, de là où elle vient, et tu sais que parce qu'elle est plus riche que toi, les gens ne la regarderont pas de travers, à elle. Mais à toi, ils le feront. Ils poseront leurs yeux méprisants sur ton corps frêle, sur tes joues un peu trop creuses et sur tes habits pas vraiment neufs. Ils poseront leurs yeux sur un gamin de la Veine et ça, ils n'aiment pas. Les riches n'aiment pas qu'on leur rappelle que les pauvres existent. C'est comme planter une aiguille dans leur bulle de survie. Mais toi tu t'en fous, car tu as Charlie. Et Charlie c'est plus qu'une personne, c'est plus qu'un quelqu'un. Charlie c'est plus que tout le monde, c'est plus que ce que tu ne mérites. Tu ferais tout pour elle, pour voir ses yeux briller de bonheur, pour apercevoir ce sourire enfantin qu'elle t'adresse parfois. Charlie, tu ferais tout pour qu'elle aille bien. Tu pourrais te battre pour elle, tu pourrais courir pour elle. Et tu courras pour elle, Lou, bien plus vite que tu ne le crois. Mais en attendant, elle a peur. Une semaine, qu'elle te souffle. C'est proche mais c'est loin, aussi. Ce sera vos derniers instants heureux. Une semaine, sept jours, pas assez d'heures. Elle lève ses beaux yeux vers toi, ton regard croise le sien. « C'est pas pour nous, pas maintenant, pas déjà. » souffles-tu. C'est pas vraiment une réponse, c'est plus un truc que tu te dis pour toi. T'irais bien au Bloc pour elle, Louie. Si elle était tirée, tu lèverais volontiers la main pour te sacrifier. Mais tu n'peux pas, les règles sont les règles et le Capitole ne semble pas disposer à les changer. « On ne sera pas séparés, Charlie. » C'est pas vrai, t'en sais rien, tu ne peux pas savoir. Mais l'espoir, c'est la seule chose qui peut te faire tenir, vous faire tenir. Alors faut le garder, ce fichu espoir, sinon il sera trop tard. « Regarde-moi Charlie... » Tu ancres tes prunelles dans les siennes, tu souris du mieux que tu peux. Tu n'veux pas qu'elle soit effrayée. Tu veux qu'elle vive, et on ne peut pas vivre dans la peur. « C'est pas leur stupide moisson qui peut nous séparer. Rien ne le pourra jamais... » Si seulement tu savais, Lou, si seulement tu savais.

Charlie, elle avait l'habitude de positiver, tout le temps. C'était dans son caractère, elle en avait besoin même. Dans ce monde, c'était ce qui la faisait tenir. Et Louie aussi, bien sûr. Durant les Jours Sombres, elle avait réussi à garder le sourire, malgré tout, malgré l'inquiétude qu'elle ressentait pour lui, chaque jour. Elle était privilégiée, elle n'avait jamais eu à s'inquiéter pour sa famille, pour sa personne. Mais aujourd'hui, elle avait peur, Charlie. Elle ne se sentait plus en sécurité, dans son palais d'ivoire. Tous les privilèges auxquels elle avait eu accès durant toute son enfance ne s'appliquaient plus désormais. Lorsqu'il s'agissait du Labyrinthe, elle était au même niveau que n'importe qui. Et même si ça l'effrayait, elle trouvait ça juste. Une certaine justice dans un monde injuste. En plus de s'inquiéter pour elle-même, Cha s'inquiétait pour Louie aussi. Son Louie, de qui elle allait peut-être être séparée lundi prochain. Aujourd'hui, et pour la première fois de sa vie, Charlie n'arrivait plus à être optimiste. Il lui disait qu'ils n'aillaient pas être séparés, que ça n'était pas encore pour eux, mais elle avait du mal à le croire. Elle avait envie de se lever, de hurler sa haine au Capitole et à tous les hypocrites de ce monde. Elle voulait partir, loin, avec lui, et tout laisser derrière eux. Mais elle se contentait de le regarder dans les yeux, Lou, et de se perdre dans l'intensité de son regard. Elle hochait doucement la tête, il avait raison. Rien ne pourrait jamais les séparer, pas même la distance. Et elle devait y croire, Charlie, elle n'avait pas le choix. « T'as raison Louie. T'as toujours raison. » Avec un léger sourire, elle caressa du bout des doigts la joue de Louie, avec toute la douceur qui lui était propre. Elle ne se lassait pas de tout ça, elle ne s'en lasserait jamais. Pouvoir le toucher, l'embrasser, quand elle en avait envie, c'était inespéré. « J'aimerais qu'on puisse partir parfois, juste toi et moi. Loin de tout. » Elle savait, Cha, que c'était impossible. Ils étaient bien trop surveillés. Et puis, pour aller où de toute façon ? Même si, au fond, tout paraissait plus agréable que l'avenir que le District avait à leur proposer. Parler ainsi, elle le faisait uniquement avec Louie. Parce qu'elle avait confiance en lui, plus qu'en n'importe qui d'autre. Elle était prête à lui confier sa vie, s'il le fallait.

the summer was full of mistakes
we wouldn't learn from
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Elle est belle. Elle est tellement belle que tu passerais une vie entière à la regarder. Elle est tellement belle que t'en es subjugué, aujourd'hui comme hier, comme demain, comme depuis que vous êtes gamins. Elle est tellement belle que tu veux lui dire, tu veux le lui crier et hurler au monde que c'est une perle. Une demoiselle à protéger et qu'il ne faut jamais qu'elle aille dans le Labyrinthe. Tu ne supporterais pas de la voir partir, tu ne pourrais pas t'en remettre. Ce serait comme arracher ton cœur,  brûler ton âme. Sans Charlie, tu es perdu, et la façon dont elle te regarde à cet instant précis te fait revivre. Tu respires silencieusement, sans la quitter des yeux, sans cligner des paupières. Tu ne veux plus jamais détourner ton regard, Lou. Tu veux passer toute ta vie comme ça. Juste avec ta Charlie, avec vos belles paroles et vos sourires innocents. Juste avec les sentiments, avec votre bulle à vous. Rien qu'à vous. Elle te dit que tu as raison, et tu ris doucement. Tu passes la main dans tes cheveux, pour essayer de ressembler à quelque chose de beau. Pour ne pas faire pâle à ses côtés. « T'es bien une des seules à me dire ça, Cha. » souffles-tu gentiment. C'est qu'aussi, qui pourrait bien te dire que tu as raison. Pas Glad, même si il doit lui arriver de le penser, elle ne le reconnaîtrait jamais. Pas Rox, qu'elle t'adresse la parole est un miracle en soit. Pas ton père, qui ne capte pas même ta présence. Pas ton oncle, qui te traite comme un vaurien. Et c'est pour ça qu'elle est là, Charlie. Parce que qu'elle rend tes journées meilleures, c'est ton soleil, ta lune, ton astre. C'est la jolie chose dans ce monde atroce. Elle pose ses doigts sur ta joue, tu frissonnes. Tu ne t'en lasseras jamais. Jamais jamais jamais. Ses doigts sont doux, et leur contact est magique. Tu souris, heureux. T'as besoin de rien d'autre pour aller bien, juste des doigts de Charlie sur ta joue. « Moi aussi, tu sais. Je voudrais que rien de tout ça n'existe. Qu'il n'y ait juste toi. Et puis moi, aussi, parce que je veux être dans tous les mondes où tu seras... » T'en deviens poète, Louie. Mais t'es fou d'elle. Absolument et atrocement fou amoureux de la rousse. Alors doucement, tu passes à ton tour ta main sur sa joue, et tu l'embrasses. Tu donnerais tout pour que le temps s'arrête. Pour que ta vie ressemble à un baiser de Charlie.